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Comment la maison Bérard a su se réinventer

En deux ans l’entreprise Bérard, spécialiste d’objets en bois d’olivier pour la cuisine depuis 1892 est sortie de plusieurs années difficiles. Elle a su reconquérir le cœur de ses clients et de ses revendeurs. Pourtant, elle n’a changé ni son savoir-faire ni son bois d’olivier qui pâtissait pourtant d’une image peu moderne et trop « artisanale ». Comment analyser ce succès ?



Concurrencée par une offre accrue, sophistiquée qui tire les prix vers le bas.




L’offre sur le marché des ustensiles culinaires était devenue de plus en plus importante mais également plus technique et plus sophistiquée. Avec le bois d’olivier, bois très dur par essence, les limites de fabrication sont importantes. Avec la demande incessante de baisse des prix, l’entreprise avait ces dernières années simplifié ses produits à tel point qu’ils retrouvaient cette image peu valorisante du produit de « marché provençal ». Pourtant le bois d’olivier, matière première, coûte 5 à 10 fois plus cher que du hêtre et ne parlons pas des produits en bambou qui avaient inondé le marché !


Cependant, depuis l’année dernière, l’entreprise dirigée par Philippe Raoult assure de nouveau sa place dans les grands magasins parisiens, entre dans des concepts store renommés en France et à l’étranger et voit ses ventes directes augmenter fortement sur internet. Elle lance en début janvier trois nouvelles gammes de produits: Millenari (des ustensiles en bois d’olivier et béton), Racine (une gamme de trois planches pour la découpe quotidienne en cuisine) et Convida (de longues planches en noyer pour des apéritifs à partager).


Comment la maison Bérard a su se réinventer?


Les enjeux ici sont multiples. Il ne s’agit pas d’aller simplement vers la création de nouveaux produits : la source du travail démarre bien plus en amont.


Avant de créer quoi que ce soit, Bérard a fait le choix de travailler sur ses racines afin de solidifier sa base pour ne pas re-construire un château sur du sable mouvant.

Dans le cas de Bérard, cette prise de recul sur ses racines a mis en valeur une histoire familiale riche, un amour du bois sous toutes ses formes, des liens privilégiés historiques avec la méditerranée (d’où le bois d’olivier), des produits à usage très précis dans les anciens catalogues et un attachement particulier à la Drôme provençale et à son esprit de convivialité.


Sous la direction de Philippe Raoult, Bérard a su prendre du recul sur son histoire et faire attention à ne pas « casser » ses racines historiques, bien au contraire. Cette étude introspective associée à une étude des évolutions du marché a permis de redéfinir la marque Bérard aujourd’hui : sa raison d’être, ce qu’elle apporte au monde, et sa vision.



L’autre objectif consiste à définir son territoire de légitimité. Sur quels matériaux, quels produits, quels marchés l’entreprise est-elle légitime ? En tant que fabricant, Maison Bérard avait fabriqué des skis, des talons de chaussure, et des ustensiles de cuisine. Le travail sur la marque qui venait d’être effectué a permis d’ouvrir de nouveaux horizons dans le domaine de la cuisine. La décision a été prise de continuer à préserver et renforcer la présence de l’entreprise sur ce marché en y apportant une expertise nouvelle qui avait été diluée à cause de la pression des prix.


L’enjeu fondamental ici est celui d’aligner la stratégie de marque et la stratégie de design produit. Pour un fabricant, le produit est le meilleur support de sa marque. Pour un impact fort, la stratégie de marque et la stratégie de design doivent avancer main dans la main. Les formes, matières, couleurs deviennent l’expression esthétique de la marque. C’est pourquoi la réflexion du design doit être portée sur l’ensemble des éléments de la marque. Une vision de design global est ici particulièrement importante.


Concernant la Maison Bérard, les produits ont été dessinés en lien avec la stratégie design et l’objectif de la marque : apporter plus de technicité et de valeur dans la cuisine. L’objectif du design a été d’amener les artisans à dépasser leur savoir-faire et à repousser leurs limites : pans coupés marqués, courbes dessinées qui renvoient la lumière, présence de la marque sur une médaille dorée, association avec de nouveaux matériaux comme le béton qui offrent plus de stabilité, etc. Les produits ont ainsi quitté leur aspect trop rustique pour adopter une image d’ustensiles culinaires authentiques en bois noble.


La question du sens au coeur de la démarche.




Face au défi de se réinventer, le cas Bérard est intéressant. Il n’est cependant pas si facile car un certain nombre de problématiques sont à résoudre en amont: qu’est ce que mon entreprise apporte réellement au fond ? Qu’est ce qui en fait son caractère unique ? Que signifie ma marque ? Sur quels marchés mon entreprise est légitime au delà de son savoir-faire ? Comment définir cet alignement entre ma stratégie de marque et mon design ? Comment apporter plus de valeur perçue à mes produits ?


Cette question du sens est déjà palpable aujourd’hui et elle sera primordiale dans le futur. Dans un marché surchargé en offre, le client a de plus en plus besoin de produits efficaces et ancrés, qui racontent des histoires mais pas n’importe laquelle : celle d’humains qui se sont rassemblés autour d’un projet commun pour produire quelque chose d’unique et qui a du sens pour eux.





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